Histoire du port de Bordeaux et de la traite négrière

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écrit par Rémi Guérin
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La référence au commerce triangulaire qui a beaucoup enrichi la ville pendant le 18e siècle. Bordeaux était le premier port colonial de la France au XVIIIe siècle. Grâce aux colonies, le commerce français a connu un essor remarquable. Dans un premier temps, les navires partaient du Port de la Lune avec des denrées alimentaires et des produits manufacturés, et revenaient avec du sucre, du cacao, du tabac et d’autres marchandises des Antilles. A partir de la moitié du XVIIIe siècle, les commerçants bordelais se sont lancés directement dans la traite négrière. Au total, on compte plus de 500 expéditions négrières qui s’arrêtaient en Afrique pour acheter des esclaves et repartaient aux colonies, la majorité étant destiné à Saint Domingue. Environ 150 000 africains ont été déportés vers l’Amérique par des navires bordelais. Si l’on y rajoute les autres ports européens, ce nombre s’élève au chiffre de 12 millions de déportés.

En Amérique latine, l’histoire de la traite négrière est aussi importante que peu connue. Les héritages culturels de l’esclavage sont encore très présents dans la société, le trait le plus marquant étant la terrible discrimination des afro-américains. Au Brésil, le salaire d’un homme noir fait en moyenne la moitié de celui d’un blanc. Pendant les années 1990, le nombre de personnes pauvres a diminué de 5 millions dans le pays. Pourtant, parmi la population noire, les pauvres sont 500000 de plus. Une autre conséquence importante se reflète dans la présence répandue des travailleurs domestiques : en majorité, ce sont des femmes noires très mal payées qui ne disposent pas des mêmes droits que les autres travailleurs, notamment concernant la séparation des liens personnels et professionnels. Le nord du Brésil et les Caraïbes sont parmi les régions les plus touchées par l’esclavage, et pourtant on oublie souvent nos racines africaines. Les rapports avec l’Europe sont beaucoup plus évidents. Les immigrants italiens et allemands qui sont arrivés affamés et sans rien au XIXe siècle au sud du Brésil ont reçu des terres du gouvernement, tandis que les descendants d’esclaves n’ont toujours pas connu la réforme agrarienne. Ceux qui considèrent la couleur de la peau comme un sujet dépassé et sans importance n’ont pas encore raison, malheureusement.

A Bordeaux aussi on pouvait facilement ignorer les liens historiques de la région avec l’Afrique. La ville a été longtemps accusée d’occulter l’histoire de son port, mais récemment elle essaie de se rencontrer avec son passé a travers un ensemble d’initiatives mises en place surtout à partir des années 2000. En 2001, un buste de Toussaint Louverture a été inauguré dans le quartier de la Bastide. En 2006, une plaque commémorative un peu plus visible a été dévoilée sur le quai des Chartrons, établissent enfin un lien officiel entre Bordeaux et la traite négrière. Depuis mai 2009, le Musée d’Aquitaine présente quatre nouvelles salles permanentes s’articulant autour de l’histoire de Bordeaux au XVIIIe siècle : l’activité portuaire, le commerce négrier, la population esclave à Bordeaux et l’héritage culturel de cette période. L’exposition propose ainsi une liaison entre le passé et le présent, avec des témoignages qui offrent un regard particulier et touchant sur cette trajectoire. Par ailleurs, le Musée organise actuellement une série de conférences dans le cadre de ce nouvel espace.

Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire pour que Bordeaux et le monde puissent se réconcilier avec le continent africain. En Europe, le débat sur l’immigration massive des populations du Sud passe nécessairement par la mémoire de la colonisation et de l’esclavage. Mieux connaître leur histoire et leurs effets sur le présent nous aidera sans doute à mieux construire l’avenir.

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